Zoom sur les tourbières du Taillefer

Une tourbière est une zone humide, colonisée par la végétation, dont les conditions écologiques particulières ont permis la formation d’un sol constitué d’un dépôt de tourbe. Elle résulte d'un équilibre fragile entre des facteurs écologiques physiques ou biologiques.

Comment ça se forme ?

Les conditions de formation d'une tourbière d'altitude sont :

  • un climat frais accompagné de pluies abondantes.
  • de l’eau en permanence qui prive le milieu d’oxygène
  • un milieu acide
  • un milieu pauvre, dit oligotrophe : peu d’azote, peu de phosphore

Ces conditions sont défavorables aux microorganismes. Ainsi, la matière organique n'est pas dégradée ce qui crée la tourbe.

Les tourbières que l'on rencontre sur le plateau du Taillefer sont relictuelles : les conditions originelles de leur formation se sont modifiées.

Les tourbières, un milieu évolutif

La tourbière évolue. Au départ, il y a souvent un lac colonisé par des plantes pionnières (rubaniers, carex). Le lac porte alors le nom de lac tourbeux.

La matière organique s'accumule et le lac est petit à petit envahi. Des mousses s'installent, les sphaignes. Leur croissance verticale entraîne le "bombement" de la tourbière.

Sur le plateau du Taillefer, en raison des conditions climatiques extrêmes, le stade climacique, c'est-à-dire, le stade ultime d'évolution reste la tourbière. Dans certains cas, ce stade peut être l'état boisé.

Sur un même milieu tourbeux, on peut observer différents stades d’évolution : aquatique, radeaux, boisements. Plus la diversité est grande, plus l’intérêt scientifique augmente.

A quoi ça sert ?

Autrefois considérées que comme des marais putrides, insalubres, inquiétants et dangereux, terre de légendes (feu follets, brumes,…), les tourbières sont étudiées et leur rôle est mieux compris.

  • Valeur écologique : écosystème unique. Beaucoup d’espèces des tourbières sont rares ou menacées de disparition.
  • Valeur scientifique et archéologique :laboratoire vivant (espèces adaptées à ces milieux), archives des climats passés
  • Valeur fonctionnelle : purification de l’air et de l’eau, stockage de l’eau (nappe, eau potable, régulation crue…), stockage du carbone
  • Valeur économique : pâturage, chasse, propriété médicinale
  • Valeur paysagère : paysage au caractère sauvage qui rappelle la toundra
  • Lieu de sensibilisation à l’environnement

Menaces

Les tourbières ont disparu pour moitié en quelques décennies. Il reste 100 000 hectares en France aujourd'hui. Elles sont menacées par l'exploitation de la tourbe, le drainage, l' griculture, la modification du climat, les incendies, l'abandon, l'enrichissement des sols, le piétinement…

Faune/Flore

Beaucoup d’espèces se sont adaptées à ces milieux difficiles. On dit qu’elles sont inféodées à ces milieux. Quelques exemples d'adaptation ci-après...

La sphaigne est l'espèce phare des tourbières. Elle est passée maître de l’art pour exclure ses concurrents ! Elle acidifie le milieu, elle prend l'eau et les éléments nutritifs et elle grandit plus vite et plus haut que ses congénères. Telle une éponge, elle peut stocker 30 fois son poids sec en eau. Sa partie inférieure meurt et constitue petit à petit la tourbe.

La Drosera rotundifolia, petite plante carnivore dont le nom médiéval est "rosée du soleil". Ses poils gluants capturent les insectes pour compenser le déficit en azote du sol. En un été, elle peut capturer jusqu'à 2 000 proies.

Les éricacées (callune, myrtille) sont associées à un réseau mycélien. Celui-ci assimile l'azote et le phosphore et les fournit à l’arbrisseau en échange de vitamines et de glucides. Les feuilles sont adaptées au stress hydrique et la croissance est lente.

Le Lézard vivipare s'est adapté au froid: son sang contient des molécules antigel! Il est l'un des seuls reptiles à s’étendre jusqu’au cercle arctique. Il est également ovovipare, c'est-à-dire qu'il conserve ses oeufs à l'intérieur jusqu’à éclosion.

De véritables archives

Comme le climat, les tourbières changent. Comme un écrin, la tourbière sauvegarde le témoignage de l’histoire de la végétation. Végétaux et animaux sont conservés à l’abri de l’oxydation.

Des arbres fossiles ont ainsi été retrouvés et permettent de penser qu'il y a 6000 ans, le plateau du Taillefer était couvert d'une forêt de pins.

Puits de carbone

Les tourbières jouent un rôle crucial dans la régulation du climat de la planète. Elles ne couvrent que 3% de la surface terrestre mais elles stockent 2 fois plus de carbone que l’ensemble des forêts !

Lorsqu'elles sont dégradées ou sous l'effet du réchauffement climatique, les microorganismes retrouvent des conditions favorables et dégradent le carbone stocké. Ce sont pour ainsi dire de véritable bombe à retardement!

3 000 millions de tonnes de CO2 sont libérées chaque année par la dégradation de certaines tourbières. C’est l’équivalent des rejets de 2 milliards de voitures !